C’est, pour moi, un grand plaisir de m’adresser à vous et de pouvoir, à Taverny, remettre à mon ami, Maurice Boscavert, à votre maire et conseiller général, les insignes de la Légion
d’Honneur.
Nous pouvons chacun dans notre vie personnelle, dans notre vision de la société, avoir notre perception de ce qu’est la fonction d’une distinction honorifique, ce à quoi elle sert, ce qu’elle représente. Bien entendu, il faut se rappeler ce qu’a été l’Histoire, ce qu’ont été les motivations au moment de la création de l’Ordre de la Légion
d’Honneur : une volonté de structuration politique, qui se plaçait à l’intérieur d’un système d’autorité. Puis notre pays a changé, est devenu une démocratie et, pour autant, a non seulement conservé, mais élargi la palette de ses distinctions honorifiques. Pourquoi ? Parce qu’au fond, les motivations par lesquelles, avant la démocratie, la collectivité honorait ceux qui l’avaient bien servie passaient par d’autres formes de reconnaissance : il y a eu l’attribution des fiefs, différentes formes d’attribution d’autorité. Dans une démocratie, les distinctions honorifiques servent à la fois à marquer la reconnaissance d’un ensemble de mérites et d’accomplissements au service de tous, au fond de la visibilité d’une personne et, en même temps, elles servent aussi à illustrer un exemple. Elles sont au moins directement, une forme de recomman-dation à la collectivité en montrant ce qu’une personne a apporté à la vie commune et éventuellement à la réflexion de ses proches et de ses concitoyens.
Dans le cas de notre ami, Monsieur le Maire, Maurice BOSCAVERT, je crois que la signification de l’attribution de la Légion
d’Honneur recouvre à la fois ses mérites et ses accomplissements en tant que professionnel, en tant que militant participant à la vie collective et en tant qu’élu local.
Comme professionnel, il faut rappeler que Maurice Boscavert a commencé son activité comme enseignant : il avait cette vocation et il a servi donc à une époque où la vie dans les collèges était au moins aussi difficile, aussi exigeante qu’aujourd’hui, il y a un peu plus d’une trentaine d’années. Je dis cela parce que quand on retrace la vie, lorsqu’on est amené à regarder sur une certaine étendue chronologique ce qu’ont été les actions de quelqu’un, c’est aussi le moment de lutter contre une tendance permanente - qui ne s’arrange généralement pas quand on progresse en âge - d’idéaliser le passé. Aujourd’hui, lorsque l’on parle de l’enseignement public, on a toujours le sentiment que ceux qui s’y consacrent et qui le font avec beaucoup de mérite sont sous des charges et des difficultés insurmontables. C’est vrai qu’elles existent mais pour avoir, par de multiples faits de ma propre histoire, vécu de très près comment vivait l’enseignement public il y a vingt ans, trente ans, je sais que ça n’était pas plus facile et que, pour un jeune débutant comme l’était Maurice Boscavert à l’époque, le démarrage au contact de la population scolaire de notre département était aussi une redoutable épreuve.
Ensuite, grâce aux recommandations qui lui ont été faites par ses supérieurs de l’Education Nationale, qui avaient repéré en lui des potentialités importantes comme animateur de groupe, comme conducteur d’équipe, il s’est engagé vers les œuvres péri-scolaires et les œuvres laïques. Il a été le créateur de la Fédération
des œuvres laïques dans ce département et en a été responsable pendant des années. Parmi vous, j’en suis sûr, un certain nombre l’ont côtoyé et apprécié dans cette activité. Notre département ... Là aussi, ça m’évoque quelques souvenirs personnels. J’en ai vu, à un certain moment, le démarrage, à la fin des années 60. Il a fallu tout créer ici. Nous sommes restés pendant des années et il en reste encore même quelques traces, trente ans ou trente et un ans après la création du département. Il a fallu souvent lutter contre le manque de moyens, contre l’impréparation de nos structures locales. Donc tous ceux qui, à un moment, dans la vie du Val d’Oise, ont été les créateurs d’une institution dans le département sont passés par des phases d’incertitudes, de doutes et en tout cas ont dû traverser de multiples difficultés. Ca été donc l’action de Maurice Boscavert au titre de la Fédération
des œuvres laïques. Il a réuni, autour de lui, un très grand nombre d’adhérents, de participants actifs et, lorsqu’il a transmis le flambeau, la Fédération
des œuvres laïques était devenue une des grandes institutions socioculturelles du département. Cela a continué depuis avec certains de ses successeurs que j’avais le plaisir de saluer à l’instant.
Dans sa vie professionnelle, ensuite, il a valorisé ses avoirs, ses savoirs et ses acquisitions d’expérience en restant encore plusieurs années cadre d’un grand comité d’entreprise, celui de l’audiovisuel public, où il a fait fonctionner des services très variés qui, je crois, faisaient l’intérêt - pour tous les salariés, très nombreux, de l’ORTF et des organismes publics qui lui ont succédé- de la vie, des contacts sociaux et des loisirs de milliers de salariés.
C’est déjà un parcours professionnel riche et, on le voit bien, tourné vers la relation avec les autres, vers la transmission du savoir et vers la mobilisation des énergies collectives. Il l’a fait aussi à un titre plus personnel en s’engageant dans la vie associative, d’abord comme jeune participant à des équipes sportives. J’ai eu sous les yeux la reproduction d’un article de presse locale qui rendait compte de ses hauts faits comme joueur dans un sport collectif où il était précisé -ça n’engage que le journaliste de l’époque- que « malgré ses moyens physiques limités, il joue les terreurs pour ses adversaires ». Je crois qu’on peut dire que la première mention est aujourd’hui caduque car ses moyens physiques ont atteint la plénitude mais, par contre, la terreur de ses adversaires ne s’est pas démentie depuis lors. Maurice Boscavert a réellement été un actif de la vie sportive et c’est aujourd’hui reconnu par la médaille d’argent de la Jeunesse
et des Sports, dont il est détenteur.
Dans ses autres missions, notamment dans ses activités d’élu, il est toujours resté très proche du monde sportif et sait reconnaître en son sein tout ce qu’il y a de dévouement, de capacité d’encadrement, y compris des plus fragiles, et d’impulsion d’un développement personnel et collectif qui sert, je crois, profondément la collectivité.
Il s’est aussi, du fait de ses engagements professionnels, comporté comme un militant associatif dans de nombreux domaines, tout particulièrement dans le domaine des œuvres laïques, puisqu’on ne peut pas, dans ces activités-là, séparer l’engagement du professionnel de la démarche du militant. Tous ceux qui ont travaillé dans le milieu des œuvres laïques dans le département depuis bien des années connaissent son dynamisme, son sens de l’innovation et de la créativité.
Il a aussi été un militant politique. C’est à ce titre que nous nous sommes côtoyés. Il a, je crois, toujours fait preuve à la fois de combativité mais aussi de respect de l’adversaire et surtout de volonté de convaincre qui lui a permis à la fois d’acquérir d’autres responsabilités sur le plan politique et d’être reconnu dans notre département comme l’une des figures qui comptent et d’être toujours - et c’est en tout cas, moi, le sentiment que je lui porte en dehors de l’amitié - respecté comme quelqu’un qui défend ses convictions, qui se remet en cause, qui ne fait pas preuve de sectarisme, qui accepte toujours la discussion et l’échange et qui je crois illustre ce qu’il y a de noble, de lucide et d’exigeant dans le militantisme politique qui est tout de même le ferment d’une démocratie active.
L’une des raisons pour lesquelles vous êtes nombreux autour de lui aujourd’hui, y compris nos parlementaires - je salue l’arrivée de Monsieur Jean-Philippe Lachenaud - Maurice Boscavert est devenu depuis plus de vingt ans, à la même époque que moi, un élu municipal puisqu’il a servi comme premier adjoint de cette commune entre 1977 et 1983. Il a passé ensuite une autre période comme conseiller municipal de la minorité, puisque ça fait partie de notre alternance - c’était déjà une chance puisque c’était le premier mandat municipal pendant lequel, en vertu de la nouvelle loi de 1982, les représentants d’une minorité ayant une représentativité dans chaque commune pouvaient siéger au Conseil Municipal - c’est ce que Maurice Boscavert a fait de 1983 à 1989. Puis, à la suite d’un nouveau choix des électeurs de cette commune, il a emporté en 1989 la fonction de Maire de Taverny avec l’équipe qui l’accompagnait et il a retrouvé ce mandat en 1995 avec l’expression d’une confiance très large des Tabernaciens.
Je ne peux pas ici retracer l’ensemble des actions qu’il a menées à la tête de cette municipalité. Je voudrais insister sur quelques traits forts qui, je crois, ont aidé cette commune. Pour avoir été aussi sénateur du département, je me suis bien sûr intéressé de très près à ce qu’étaient les dynamiques, à ce qu’étaient les priorités, à ce qu’étaient les axes forts de la conduite des grandes municipalités du département. Ce qui m’a frappé, dans celle-ci, c’est d’abord l’insistance dans le sens de la culture, parce qu’une des premières choses dans lesquelles s’est engagée l’équipe autour de Maurice Boscavert et sous son impulsion, sous son instigation, ça a été l’idée d’une belle bibliothèque de la commune, qui en réalité d’ailleurs, à la suite de l’élaboration collective de ce projet, est devenue la Médiathèque
, que nous connaissons pour beaucoup. Ca a été un très grand succès, puisqu’après que notre ami - hélas disparu - Pierre Bérégovoy, soit venu inauguré cette bibliothèque, il y a six ou sept an, si je me souviens bien, Catherine Trautmann est venue à la fin de l’année dernière fêter avec les professionnels et les élus de Taverny le millionième lecteur de la Médiathèque
de Taverny. Et puis bien d’autres actions culturelles. J’ai souvent eu l’occasion d’assister à de très belles expositions et cette ville est une de celles qui font vivre la culture dans toutes ses facettes dans notre département avec des moyens qui, comme beaucoup de nos communes, sont limités mais qui sont toujours exploités avec le maximum d’inventivité, le maximum de volonté d’ouverture.
Cette vie municipale a été aussi, je crois, très fortement encadrée avec une volonté de préservation et de valorisation de l’environnement. C’est une des grandes constantes de l’action de notre ami Maurice, et c’est un des grands besoins de notre département. C’est une des raisons pour lesquelles il y a acquis, je crois, la place qui est la sienne. Les grands souvenirs que j’ai et qui me semblent bien représentatifs de la méthode de Maurice Boscavert, ça a été l’action qu’il a menée pour la couverture de la A
115. Elle est maintenant en voie de réalisation et, je crois, représente bien la synthèse de quelqu’un qui, à la fois, constate qu’en Ile-de-France, en Grande Couronne, là où nous sommes, il y a besoin de moyens de liaison et qu’il faut donner la liberté, la capacité d’échanges à la fois économiques et humains dans tout notre tissu géographique, qu’il n’est donc pas réaliste - qu’il n’est pas au fond orienté vers l’avenir - de s’opposer à la réalisation d’infrastructures de déplacement, mais que nos concitoyens, comme ceux des centres des grandes villes, comme les quartiers les plus privilégiés, ont droit aussi à la tranquillité, à un environnement urbain préservé. Cette démarche, donc, qui a été soutenue par un très grand nombre d’habitants de Taverny, puisqu’elle n’était certes pas acquise au départ, a correspondu à un moment aussi où l’Etat, par l’interpellation des citoyens, prenait une meilleure conscience des besoins de protection de l’environnement autour des grandes infrastructures et, aujourd’hui, vous avez, collectivement autour du Maire, gagné cette garantie pour l’environnement de Taverny.
Ca a été aussi l’action qui a été menée, là encore par la mobilisation des Tabernaciens, pour réparer les conséquences de l’abandon d’une des entreprises qui était sur le territoire de cette commune et où, si je ne me trompe, à la fin, plus de cinq cents tonnes de matériaux polluants ont été déchargés, nettoyés par l’intervention des services de l’Etat. Au fond, il était en effet juste que la Commune
ne soit pas le débiteur de cette mission de dépollution. Et, je crois, ça a été un des faits - j’en ai parlé avec différents ministres de l’Environ-nement successifs puisque je m’étais efforcé d’accompagner, de soutenir cette démarche de l’équipe municipale de Taverny- une des actions réussies par une localité qui ont amené le Ministère de l’Environnement à prendre conscience de ce problème, de ce que l’on appelle depuis « les sites orphelins ». Ca a abouti à ce qu’un fonds collectif, au sein des disponibilités de l’Agence de l’Environnement, permette de traiter progressivement, avec un ordre de priorités délibérées, l’ensemble de ces zones abandonnées dans lesquelles il n’y a plus de responsables, il n’y a plus d’autorité, d’exploitant solvable qui puisse réparer les dégâts d’une ancienne exploitation. Aujourd’hui, le problème est réglé et je crois que ça a servi d’exemple.
Et puis, Taverny est une commune qui s’est beaucoup agrandie. J’ai le souvenir, lors de mes premières activités dans le Val d’Oise, il y a presque trente ans, d’une commune qui était encore nettement plus petite du point de vue de la population et qui avait des projets de développement qui ont trouvé progressivement leur cohérence. Mais c’est sous la conduite de Maurice Boscavert qu’un véritable cadrage du développement urbain et économique de la commune a trouvé sa cohérence. Vous avez fait le choix de préserver un certain nombre de grands espaces, d’aménager une harmonie entre les zones urbaines et les zones naturelles qui en sont le poumon et le facteur d’équilibre. La commune de Taverny s’engage de plus en plus résolument dans le dialogue avec ses partenaires voisins, avec l’idée de l’intercommunalité. Son développement a connu, comme ça a été le cas de beaucoup de nos communes, une certaine... je ne dirai pas un certain désordre mais les choses se sont faites un peu coup par coup. Mais maintenant il y a une cohérence et, d’ailleurs, un souci de modération, de stabilisation dans le développement pour qu’elle trouve son équilibre naturel et humain. Tout ceci s’est fait dans une commune dont, chacun s’en rappelle, les moyens matériels étaient limités. Elle est aussi très représentative de ces communes de Grande Couronne qui se sont beaucoup développées depuis quinze, vingt ans, surtout à partir du logement, avec une absence de cohérence, une absence de solidarité ... Vous savez, au fond, l’essentiel de la population de l’Ile-de-France est groupé sur trois à quatre cents communes autour de Paris et il n’y a que trés peu de coordination entre ces communes quant au développement économique et donc quant au potentiel d’emplois et de recettes fiscales. Donc, sachant que bien sûr à long terme sans doute des réformes et des méthodes nouvelles de coordination permettront d’assurer cet équilibre - mais si on l’attend, pendant ce temps-là, la situation se dégrade - l’équipe municipale de Taverny derrière Maurice Boscavert a vraiment retroussé ses manches, a mené une action - ça j’en ai été témoin souvent par des amis de la Municipalité
avec qui j’en parlais et qui sont d’ailleurs là - a mené une action de prospection et de détection des chances d’implantation d’entreprises, implantation qui a été particulièrement réussie et qui fait qu’aujourd’hui Taverny est une commune qui, sans être particulièrement prospère, a atteint son équilibre alors que c’était beaucoup plus précaire il y a quelques années.
Et puis notre ami Maurice Boscavert, depuis maintenant dix ans, est également conseiller général du Val d’Oise. C’est un conseiller général - le premier vice-président et l’ancien président du Conseil Général le savent encore bien mieux que moi- assidu, polyvalent dans ses engagements, qui intervient dans de très nombreux sujets comme c’est, je crois, la mission noble et passionnante d’un élu départemental, surtout dans un grand département comme le nôtre. Il est toujours à l’affût des phénomènes nouveaux, des préoccupations nouvelles, qui sont dans la population de notre département, et sert la diversité et la vitalité de notre assemblée départementale. Beaucoup de projets nouveaux, beaucoup de prises en compte de sujets de préoccupation pour l’assemblée départementale sont venus de sa réceptivité.
Voilà pourquoi, je crois, il y a de nombreux motifs de reconnaître la valeur et l’apport à la collectivité de notre ami Maurice Boscavert. Je les symboliserai, je les synthétiserai simplement par deux choses.
Son goût et sa méthode de la mobilisation : c’est un vrai dirigeant, quelqu’un qui sait entraîner les autres autour de lui, qui amène des idées, qui amène des projets, qui bien sûr sait écouter les autres et sait s’imprégner des préoccupations du groupe mais qui n’hésite pas à prendre l’initiative et à proposer quelque chose pour que l’ensemble des membres de la collectivité se situent. Je crois que c’est exactement ça le rôle qu’on attend d’un leader en démocratie et qu’il le fait très très bien. C’est un exemple pour beaucoup de jeunes - enfin, d’encore plus jeunes - dans l’action collective et dans l’action politique.
Et, d’autre part, quelque chose qui fait la jonction entre son rôle actuel d’élu local et son passé, encore tout récent, de militant associatif et de l’éducation populaire, c’est la volonté de diffuser la connaissance, de diffuser l’information et de faire partager aux autres le savoir, l’information qui sont le carburant de la démocratie et de la participation.
Pour tout cela, Maurice Boscavert a déjà reçu l’Ordre National du Mérite et je crois que, dans le parcours humain des honneurs qui sont reconnus par la collectivité, il était bien qu’il reçoive maintenant la Légion
d’Honneur. Je crois que nous sommes nombreux à être contents, à avoir une satisfaction humaine et amicale de le voir la recevoir.
Il ne faut pas espérer que ça le rendra sérieux ; il faut au moins attendre qu’il soit commandeur pour que Maurice perde son sens de l’humour et son sens parfois du canular mais je crois que ça nous fera à tous plaisir de le voir aussi avec cet élément de rouge à sa boutonnière en dehors de celui qu’il a dans le cœur.
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Maurice Boscavert, au nom du président de la République, en vertu des pouvoirs qui me sont conférés, je vous fais Chevalier de la Légion d'Honneur.