PARIS (AP) - Rien ne va plus entre Dominique de Villepin et les députés sarkozystes. A l'occasion d'une réunion houleuse du groupe UMP, le Premier ministre a affronté mardi une majorité en colère après sa décision de ne pas participer au vote organisé pour soutenir la candidature de Nicolas Sarkozy à l'élection présidentielle.
Le Premier ministre a été interpellé lors de cette réunion à huis clos par Jean-Luc Reitzer (Haut-Rhin). Ce dernier lui a reproché ses déclarations de dimanche sur Canal+. Disant faire en ce moment la tournée des communes de sa circonscription pour les cérémonies de voeux, M. Reitzer a expliqué que ses électeurs en avaient "marre" des divisions de la majorité, qui risquaient de la conduire tout droit à la défaite le 6 mai.
"Je ne suis pas d'accord", a répondu le Premier ministre, selon plusieurs témoins. "Je n'ai pas cette expérience". Il a de nouveau mis en garde Nicolas Sarkozy contre la tentation d'aligner les membres de l'UMP "comme des petits pois" derrière lui. "La diversité, c'est une chance, ce n'est pas un handicap", a-t-il dit.
Ces propos ont fait bondir les 200 députés présents, qui ont protesté bruyamment contre le Premier ministre, couvrant son discours. Des "noms d'oiseaux" ont même fusé. "T'as pas l'habitude de faire les marchés!", a lancé un député au Premier ministre, qui ne s'est jamais présenté à une élection.
Nicolas Sarkozy est ensuite intervenu pour tenter de ramener le calme, posant en rassembleur. "J'aurai besoin de tout le monde", a répété le président de l'UMP.
Le président du groupe Bernard Accoyer, officiellement rallié depuis ce week-end au président de l'UMP, a lui aussi tenté de ramener la sérénité. "J'ai pleuré une seule fois en politique lors de la défaite de 1997. Je ne souhaite pas qu'on pleure à nouveau en 2007", a dit en substance le président du groupe, ovationné selon les participants. Les députés de la majorité en veulent depuis dix ans à Dominique de Villepin, artisan de la dissolution ratée qui a conduit à la défaite de 1997.
"Depuis 2002, je n'avais jamais vu une réunion comme ça", a confié un habitué. "Ce n'était plus rationnel. A cet instant, le Premier ministre n'a plus de majorité".
A leur sortie de la salle, les sarkozystes étaient toujours aussi remontés contre le Premier ministre. "S'il veut planer tel l'albatros au-dessus des océans, c'est son problème. Ce n'est pas le nôtre", a lâché Marc-Philippe Daubresse. "Il ne faut pas se tromper d'adversaire", s'est emporté Dominique Paillé. "La marginalisation n'est pas une posture en politique", a tempêté Yves Jego.
Les sarkozystes mettent en avant l'ampleur des ralliements de ces derniers jours à leur champion. Dernier et pas le moindre, l'ancien Premier ministre Alain Juppé, "fils préféré" de Jacques Chirac, a officialisé mardi son soutien à Nicolas Sarkozy. "Toutes les grandes voix de l'UMP, de la droite et du centre aujourd'hui s'expriment en faveur de Nicolas Sarkozy", a constaté Eric Woerth.
De son côté, le dernier carré des chiraco-villepinistes s'efforçait de dédramatiser l'incident. "Dominique de Villepin a l'habitude, ça fait deux ans que dans le groupe il y a des parlementaires qui ne veulent pas qu'il travaille pour la France", a commenté Jean-Pierre Grand.
Le député de l'Hérault a appelé le Premier ministre à se présenter sans le soutien de l'UMP. "Il faudrait qu'il y ait deux candidats de notre camp au premier tour, de manière à ce que les Français ne votent pas dès le premier tour pour l'opposition", a-t-il estimé.
Après la réunion, Dominique de Villepin s'est expliqué pendant quelques minutes avec Brice Hortefeux, bras droit de Nicolas Sarkozy, selon des témoins. Ses proches accusaient les sarkozystes d'avoir organisé l'incident pour faire monter la sauce avant un congrès où il est assuré d'être désigné avec 100% des voix, étant le seul candidat en lice.
En fin d'après-midi, Bernard Accoyer s'est efforcé de faire retomber la tension. "C'était un débat sans concession, un débat animé", a assuré le président du groupe lors de ses voeux. Il s'est cependant dit "certain" que "la totalité de l'UMP" se retrouvera "le moment venu" derrière Nicolas Sarkozy. AP